Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/357

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Delacroix, était un homme d’humble provenance, mais de grande hauteur morale, bon, désintéressé, capable d’un dévouement à toute épreuve, prêt à tous les sacrifices pour ceux qu’il aimait. S’étant lié avec Maurice, il devint son camarade dévoué, partagea tous ses goûts, participa à tous ses amusements, mais aussi à tous ses travaux[1]. Dès que Maurice Dudevant entreprenait quelque édition dans le genre des Visions à la campagne, ou d’illustrations de l’histoire de Napoléon Ier, — un sujet fort bien choisi après 1851 ! — que voyons-nous ? Maurice ébauchait en quelques heures un croquis ou une aquarelle, et Manceau, abandonnant ses travaux, qui lui assuraient le moyen de vivre, se mettait à graver, pendant de longs jours ou des semaines, les planches de l’édition de son camarade. Maurice, qui s’intéressait toujours à l’entomologie, s’occupa vers 1850 plus sérieusement de cette science, fit un livre sur les papillons (dont sa mère écrivit la préface[2]. Il collectionnait les lépidoptères, leurs chrysalides et leurs chenilles, se passionnant à observer leurs métamorphoses. Mais ses fréquentes absences de Nohant s’accordaient mal avec des observations suivies sur les chenilles sortant de la graine, sur leurs travaux à se construire un cocon et enfin sur la venue au monde des insectes. Manceau fit alors la chasse aux papillons et aida Maurice à construire toute sorte de boîtes avec des parois de verre, viviers ou serres chaudes portatives pour les chenilles ; puis lorsque Maurice s’en allait à Paris, il s’évertuait le plus attentivement possible à nourrir toutes ces chenilles, à observer leurs transformations, à transpercer, selon la règle des collectionneurs, d’une aiguille brûlante celles qui sont prêtes pour la collection et à inscrire sur un registre le jour, l’heure ou la minute de la naissance de quelque Algira, Gordius ou Apollon. Maurice se passionna ensuite pour le théâtre, et Manceau l’aida à brosser les décors, à exécuter les spectacles des marionnettes, et lorsque Mme Sand désireuse de faire une surprise à son fils — ayant l’espoir peut-être de le fixer à Nohant — voulut reconstruire la

  1. V. plus loin les lettres de Mme Sand à son fils et à Dumas fils.
  2. La préface à « Deux jours dans le monde des papillons, par Maurice Sand » parut dans le numéro du 15 février de la Revue de Paris de 1855.