Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/369

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certains lui refusent obéissance, il en est si vivement offensé qu’il s’enfuit, abandonne sa peuplade et se réfugie dans un désert. À notre époque de tels garçonnets, « point appréciés » par leurs copains, après avoir proféré la menace de s’en aller chez les Peaux-Rouges ou chez les Boërs, reviennent généralement au bout de peu de temps, remis à la raison par l’heure du dîner. Il est probable qu’Evenor aurait suivi leur exemple. Mais, hélas ! il vivait à l’époque antédiluvienne ou ternaire, nous ne savons pas au juste ! Il ne peut pas revenir : un cataclysme survient et le vallon d’où il avait fui se trouve obstrué par des rochers écroulés, un volcan surgit, la mer se déplace, et Evenor reste seul dans un désert. Privé de toute « communion avec les hommes » (pour avoir péché en se séparant volontairement de ses semblables, il doit expier par une espèce de réclusion solitaire), peu à peu il devient sauvage, oublie la parole et redevient un primitif. C’est alors qu’il rencontre une jeunesse, Leucippe. Celle-ci ne vit pas seulette — ça ne serait pas décent pour une jeune fille des temps antédiluviens — mais bien sous la tutelle d’une vieille duègne… pardon ! d’une vieille dive ! Avant les hommes, la terre avait été habitée par la race des dives, êtres mystérieux, obéissant à Dieu, espèces de voyants vivant sans passions jusqu’à deux cents ans, supportant la vie et acceptant la mort avec la même résignation. Cette dive, du nom de Télia, entreprend l’éducation d’Evenor et Leucippe et finalement bénit leur union. Nous supposons qu’au temps lointain des haches de silex ou de bronze on goûtait aux fruits de l’arbre du bien et du mal fort simplement. Or, la dive trouve indispensable de « préparer les âmes » de ses disciples en leur débitant une telle profusion d’élucubrations philosophiques et nébuleuses qu’il fallait être un androïde de l’ « âge de pierre » pour les entendre. Quant à les lire au vingtième siècle sans dégoût, impossible ! Nous ne suivrons pas Evenor et Leucippe dans leurs extraordinaires et horripilantes aventures qui tendent toutes à faire vaincre l’égoïsme d’Evenor et à le faire rentrer dans la « communion » avec le reste de l’humanité. Or, cette race humaine, divisée en trois tribus (comme dans la version biblique) avait