Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/377

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d’indignation « civique » sur le « paganisme » et le « cléricalisme » ; elle vit dans la misère, la paresse, la malpropreté et les superstitions demi-païennes des méridionaux, les fruits de la domination des « calotins » ; elle attribua à tout le peuple la filouterie, la mendicité, la fainéantise et l’avidité des bas-fonds urbains, qui sont surtout en rapports avec les étrangers ; elle se déclara indignée par la promiscuité des ruines antiques avec les haillons pittoresques et les banales demeures modernes des indigents romains, et, selon le proverbe russe, « elle ne vit pas la forêt pour avoir trop regardé les arbres » : elle ne sentit pas le parfum de cette vraie antiquité de la Ville éternelle, son immuabilité au milieu de cette accumulation incomparable de tous les styles, de toutes les époques, de tous les siècles, dont chacun éprouve l’enchantement sur les ruines du Forum, dans la basilique de San Paolo fuori le mura, à San Pietro in Montorio, sur l’arène du Colisée, dans quelque palais romain du moyen âge ou sous les voûtes de l’édifice colossal de Bramante. Et ce parti-pris se refléta dans ce roman où nous est raconté l’amour romanesque du peintre Jean Valreg pour une certaine stiratrice du nom de Daniella, c’est-à-dire simplement pour une blanchisseuse frascatane, histoire compliquée par la jalousie de l’ex-maîtresse de ladite stiratrice, miss Médora, et les aventures fantastiques du libre-penseur italien comte de Monte-Corona, que la police papale poursuit, ainsi que Valreg. Les impressions négatives, produites sur l’auteur par la vie italienne contemporaine se reflétèrent tellement dans la Daniella que, lorsque ce roman parut, le vieil ami de Mme Sand, Luigi Calamatta, lui adressa des reproches, lui disant qu’il s’étonnait comment elle pouvait, d’une part, ne pas comprendre les beautés du Colisée et de tous les merveilleux monuments antiques, et, d’autre part, attaquer la malheureuse Italie opprimée, souffrant sous le double joug : étranger et clérical. George Sand répondit immédiatement à Calamatta par la lettre pleine de signification que voici :

Nohant, 6 avril 1867.

Tu ne sais pas ce que tu dis avec ton Colisée, ton forum, ton grand peuple et ton cri de vengeance que l’on doit crier sur les toits. Je te