Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/485

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sures pourtant. On s’attendait à du bruit et on avait consigné deux régiments, avec l’ordre d’être prêts à monter à cheval. Les jeunes gens avaient résolu de dételer mes chevaux du sapin et de m’amener rue Racine. On a, Dieu merci, empêché et calmé tout. Ou a un peu engueulé l’impératrice en lui chantant le Sire de Framboisy. Mais l’empereur a bien agi, il a applaudi la pièce, il est sorti à pied jusqu’à sa voiture, que la foule empêchait d’arriver. Il n’a pas voulu que la police lui fît faire place. On lui en a su gré et on l’a applaudi.

Il devrait bien faire supprimer l’escouade de mouchards qui l’acclament à son entrée, et auxquels les étudiants ont imposé silence hier ; je suis sûre que, sans elle, toute la salle l’applaudirait.

Les journaux d’aujourd’hui racontent de mille manières ce qui s’est passé hier ; mais ce que je vous raconte à bâtons rompus est exact. Aujourd’hui il y avait dans la salle pas mal de catholiques qui essayaient de prendre des airs dédaigneux et embêtés. Mais ils ne pouvaient pas seulement cracher, et la moindre parole de leur part eût fait éclater une tempête. Décidément tout le monde ne les aime pas, et ils n’oseront pas broncher. Ils se vengeront dans leurs journaux, soit.

J’ai encore un jour ou deux à donner à Villemer ; et puis j’ai à voir M. Harmant, et puis la pièce de Dumas, qui vient samedi, et quelques affaires de détail à terminer ; l’impression de mon manuscrit de Villemer à livrer, c’est-à-dire la correction d’un manuscrit conforme à la mise en scène ; ma photograpMe chez Nadar. J’espère avoir fini tout cela la semaine prochaine et comùr vers vous et mon Gocoton qui pousse bien, j’espère, pendant que je pioche, ce cher petit amour. Je vous bige mille fois. Parlez-moi de vous et de lui.

J’ai les patrons en question, mais ce n’est pas ce qu’il feut à Cocotte pour le moment. Ce sont des choses d’été, parce que lu pièce se passe en été. Ce qu’il faut faire pour la robe de moire, c’est un corsage collant et montant avec de gros boutons, pointe par devant et par derrière…

(Vient une longue description de la mode d’alors avec un dessin à la plume de deux corsages.)

Amitiés de Manceau qui commence à se rassurer un peu. A-t-il-eu peur à ma place ! et le mal de ventre comme toujours ! Si vous avez besoin d’argent ou que le temps radouci et la bonne santé de Cocoton vous donnent envie de voir le succès de Villemer, prenez à Sylvain. Prenez en tout cas si vous avez quelques dépenses à faire. L’Odéon ne m’enrichira pas, il n’enrichit personne, mais il me permettra de n’être plus si gênée. Vous avez dû recevoir une dépêche de Manceau pour vous annoncer le triomphe. Montigny y était. Il est venu m’embrasser, mais il avait la figure un