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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/497

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le lui envoyer à Palaiseau. Il est évident que tenir Nohant sur un pied aussi large devait coûter pas mal de nuits de travail à George Sand et que rien que pour avoir la tranquillité de ce travail assuré, elle devait soupirer après le silence absolu de Gargilesse et de Palaiseau.

Dumas fils a écrit dans la préface de son Fils naturel une magnifique page consacrée au séjour de George Sand à Palaiseau. Mais George Sand elle-même dépeignit dans le roman Monsieur Sylvestre d’une manière cent fois plus poétique, vraie, simple et touchante sa maisonnette au haut d’une colline, la vue qui se découvrait de ses fenêtres sur la vallée fleurie et cultivée et sur le versant opposé couvert de potagers et de vergers, ainsi que son existence rêveuse dans le petit bourg tranquille. Inoubliables surtout les pages — bien certainement vécues par l’auteur — où il laisse son héros, arrivé à Vaubuisson (lisez : Palaiseau) et récemment installé dans une maisonnette « au bas du village », apercevoir tous les soirs, lorsque tout dort autour de lui, au haut de la colline opposée un petit feu brillant dans la nuit noire.

Il y a donc, dans cette maisonnette inconnue, quelqu’un qui travaille où rêve aussi ? Les deux maisonnettes semblent comme deux étoiles, des deux versants opposés, se regarder pardessus la vallée. C’est là un tableau ravissant, poétique : on se souvient de cette impression plus que du roman même.

Il y a en outre des descriptions charmantes dans ce roman, l’une d’elles fut même citée parle traducteur de Virgile, M. Benoist, en guise de commentaire à la description de son domaine faite par Virgile, surtout comme un commentaire de lapis nudus et de magna satis[1] par lesquels l’illustre poète romain peint son pré, parsemé de grandes pierres nues.

Cette page de George Sand — la description d’une prairie arrosée d’un petit ruisselet, parsemée de blocs de granit et

  1. Œuvres de Virgile, texte latin publié d’après les travaux les plus récents de la philologie avec un commentaire critique et explicatif par M. E. Benoist. (Voir Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, Lévy, 1869, t. XI, p. 174.)