Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/504

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Si tu as quelques papiers d’affaires chez Maillard (nous avons déjà repris tes lettres) tout sera dépouillé et restitué par Boutet qui est son exécuteur testamentaire. Bonsoir, mes enfants chéris, je vous bige mille fois ; je ne suis pas malade, malgré beaucoup de fatigue, d’émotion et de chagrin. Quel voyage ! Manceau va bien aussi, il est soutenu par les devoirs qu’il a à remplir. Mme Maillard a décidé qu’elle retournerait à Bourbon avec les deux créoles, c’est leur désir à tous trois. Ce sera peut-être la guérison de la pauvre petite qui a un courage et un dévouement vraiment sublimes. On s’occupe dans la société des Amis de la famille (la Société de Sainte-Colombe) d’ajouter à la moitié de pension de son mari, afin de lui laisser un peu d’aisance, et sa résolution de retourner Là-bas rendra son existence possible. On obtiendra le passage gratuit avec les deux enfants. Cette société de débris saint-simoniens est chose touchante et respectable. Tout le monde devrait ainsi s’associer par groupes d’amis pensant de même et se passer des bénédictions du prêtre et de l’aumône de l’État

Cette lettre est à retenir. Un an plus tôt Mme Sand avait déjà écrit, absolument dans le même ordre d’idées, une lettre à propos de l’enterrement civil de Fulbert Martin, l’un des jeunes républicains que George Sand avait, comme nous l’avons vu[1], hébergés et cachés à Nohant en 1849-51. Voici quelques lignes de cette lettre adressée à M. Hippolyte Magen qui avait envoyé un portrait de Fulbert Martin à Mme Sand, en lui faisant part de la mort de ce dernier, survenue à Madrid, et lui avait dit aussi que, connaissant les opinions de sou ami, il avait insisté pour qu’on l’enterrât civilement.

Nohant, 24 avril 1864.

Une absence de quelques jours m’a empêchée, monsieur, de répondre à votre excellente lettre et de vous dire toute ma gratitude pour les détails que vous me donnez.

Vous adoucissez autant que possible la douleur de l’événement, en me disant que notre ami n’a pas eu à lutter contre la crise finale et que les derniers temps de sa vie ont été heureux. Sa compensation a été bien courte, après une vie de lutte et de souffrance. Mais je suis de ceux qui croient que la mort est la récompense d’une bonne vie, et la vie de ce pauvre ami a été méritante et généreuse. Les regrets sont pour nous et votre cœur les apprécie noblement.

  1. Voir plus haut, chap. viii et ix.