Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/54

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vite le soleil du printemps, et si la République veut nous donner des fusils et le mot d’ordre, nous inviterons les autres communes à un grand rendez-vous, dans quelque bel endroit, où nous viendrons tous fraterniser avec elles sous les grands arbres. »

C’était une belle et bonne pensée. Oui, qu’on nous seconde, qu’on réponde à notre appel amical, disaient-ils, et, dans de belles fêtes champêtres, nous sentirons grandir en nous le sentiment républicain, nous oublierons l’augmentation de l’impôt qui, en ce moment, chagrine un peu les pauvres, et nous nous aiderons les uns les autres à comprendre la nécessité des sacrifices patriotiques.

Cela est bien nécessaire, en effet. Les bourgeois, en général, déclament piteusement devant les paysans, à propos de ces sacrifices. Au heu de les encourager et de leur donner joyeusement le bon exemple, ils travaillent, parleur tristesse et leurs murmures, à maintenir le règne de l’égoïsme. Le peuple comprendrait pourtant les grandes choses, au fond des campagnes comme sur le pavé brûlant des villes, si de bons citoyens s’efforçaient de l’initier à la connaissance de ses véritables intérêts. »

Revenue à Paris et ayant passé la nuit dans une chambre meublée, parce que le concierge de son fils était allé à son club, Mme Sand alla déjeuner chez Pinson et c’est là qu’elle écrivit et l’article pour la Réforme et la lettre à son fils, où elle lui disait entre autres :

… J’irai ce soir loger chez toi[1], en attendant que je m’installe un

    grandpeur de ces derniers jours. Les mesures un peu révolutionnaires que vient de prendre le gouvernement provisoire vont te venir en aide. Il faudra te hâter d’en donner la première nouvelle à tes administrés et leur faire comprendre que si on n’a pas eu plus tôt ces heureuses améliorations, c’est qu’il y a à Paris, comme à Nohant, des Étève, des Biaud, des Blanchard, etc., qui ne veulent pas qu’on adoucisse le sort du peuple et qui créent mille embarras à la République. Accuse-moi réception des deux mille francs. Bonsoir, mon enfant, attache-toi à montrer une sollicitude égale à tes deux communes et en prouvant que tu n’as pas de préférences, tu auras la confiance à Vie comme à Nohant. » Dans la lettre du 21 avril imprimée dans la Correspondance, on peut lire les lignes suivantes : « Ne t’inquiète pas. Tu ne m’as pas dit quelles raisons tu avais eues pour casser ton conseil, mais il aurait fallu commencer par là. Quoi qu’il en soit, je te réponds que tu n’auras pas le dessous, j’ai parlé de cela à Ledru-Rollin, qui m’a dit que probablement tu n’avais pas agi par caprice, que sans doute il y avait nécessité, et que tu devais être appuyé et soutenu. Je viens d’écrire à Fleury un peu ferme là-dessus ; ne te laisse pas émouvoir par les récriminations et les menaces… » On voit que Mme Sand menait à la baguette le maire de Nohant-Vic et gouvernait fort énergiquement sa commune.

  1. Rue de Condé, 8.