Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/593

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terre, il faut que tout y transpire pour que nous ne soyons pas desséchés. Il faut que le petit astre de la voie lactée fonctionne dans le mode d’existence qui lui est départi pour que l’univers subsiste. Comme la goutte d’eau que le soleil irise, nous avons des reflets, des projections immenses dans l’espace. Et moi, pauvre atome, quand je me sens arc-en-ciel et voie lactée, je ne fais pas un vain rêve. Il y a de moi en tout, il y a de tout en moi. Et je n’ai pas la liberté de me séparer de ce qui constitue ma vie. La mort ne m’en séparera pas. Ma volonté ne peut pas m’anéantir…

Le chapitre viii des Impressions et souvenirs est surtout important sous le rapport autobiographique, parce que George Sand y raconte les étapes consécutives de sa pensée religieuse et qu’elle y peint sa conception religieuse définitive. Il est intéressant sous ce dernier rapport, aussi, c’est-à-dire qu’il permet de nous rendre compte de la synthèse religieuse de George Sand dans la dernière période de sa vie. On voit aussi comment elle avait marché et à quoi elle était arrivée.

Les deux premières pages de cette Huitième Lettre sont une vraie merveille de poésie descriptive. Mme Sand, par un beau clair de lune, allume un fagot ; puis, assise au coin du feu dans sa petite chambre bien chaude et confortable, elle voit et sent « que derrière les vitres passe la première gelée de l’année, non pas l’inoffensive gelée blanche, mais la vraie, l’implacable, qui fauche tout en une nuit ».

Puisque ce premier froid et ce premier feu, dit-elle plus loin, m’autorisent à une nuit de paresse, j’en profite pour refaire connaissance avec une personne longtemps oubliée de moi dans ce dernier temps et qui n’est autre que moi. Cette personne qui vit loin du mouvement et du bruit, a des occupations qui l’absorbent souvent et ses récréations appartiennent à une chère famille où elle n’a aucun besoin de se sentir vivre pour exister pleinement. C’est par hasard qu’elle se recueille et s’interroge après avoir souvent évité l’occasion de le faire en se disant : « À quoi bon ? » À quoi bon en effet ? Mais qui sait ? Peut-être doit-on de temps à autre regarder en soi ? On oublierait peut-être ce qui doit y demeurer intact. Il ne faut pas trop se fier à la santé apparente de l’âme…

Et alors l’écrivain repasse mentalement la route parcourue par sa pensée et ses croyances.