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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/672

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filant leurs quenouilles en marchant, selon l’antique usage. Puis, voici d’énormes chariots attelés également de grands et doux bœufs blancs couplés, chargés de gerbes enrubannées. Sur l’un de ces chariots, on voit perchés deux garçonnets, sur l’autre, c’est Claudie en personne ! Une jolie petite paysanne, toute confuse d’attirer l’attention générale. Elle abrite son petit bonnet blanc sous une ombrelle fort moderne, cela manque un peu de couleur locale, mais la chaleur est si accablante que l’on n’ose protester contre cette liberté qui nuit un peu à l’ensemble du tableau. Et ce tableau est ravissant ! Cela rappelle un peu les Moissonneurs de Léopold Robert, mai cela est mieux. « C’est du vrai », comme disent les enfants, c’est typique, c’est local, une véritable scène d’un des romans champêtres de George Sand. Lentement, accompagné d’une foule énorme, le cortège défile autour du square, puis s’éloigne par l’une des rues avoisinantes. Le son des cornemuses devient plus sourd, et peu à peu se perd tout à fait. Mais à peine l’orateur qui parle sous le corbillard rouge et or a-t-il terminé son discours, ou plutôt — à peine est-il sur le point de le terminer — que les sons des cornemuses retentissent de nouveau et nous arrivent par une autre rue, Claudie et sa suite font de nouveau irruption sur la place, aux exclamations joyeuses de la foule.

De grands applaudissements retentissent à ce moment autourdu baldaquin rouge ; on acclame Mme Séverine, si populaire en Berry, et qui ne manque à aucune fête en l’honneur de George Sand. Mais alors que tous nous nous tournons de ce côté, mes yeux sont frappés par un tableau symbolique, d’une rare beauté artistique : sur un fond de sombre verdure, au-dessus d’une foule bariolée qui l’entoure de toutes parts, cachée jusqu’aux épaules par des centaines d’ombrelles, de chapeaux de femmes et de noirs chapeaux d’hommes, on aperçoit la blanche silhouette de la Grand’Mère, elle tient un livre à la main et semble sourire (c’est un efîet de lumière changée), et elle semble raconter une histoire à cette foule de grands enfants. La laideur du monument est cachée par la foule, on ne voit que la noble tête blanche et la main qui tient le livre, et autour d’elle ce millier