Page:Karl Marx et Friedrich Engels - Œuvres choisies en deux volumes, tome II, 1955.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’existence ef­fec­tives des hommes, mais le reflet religieux de ces conditions d’existence dans les cer­veaux de ces mêmes êtres humains qui a produit, d’après Bachofen, les changements histori­ques dans la position sociale réciproque de l’homme et de la lemme. En conséquence, Bachofen présente L’Orestie d’Eschyle comme la description dramatique de la lutte entre le droit maternel déclinant et le droit Paternel naissant et victorieux à l’époque héroïque. Pour l’amour de son amant Egisthe, Clytemnestre a tué soit époux Agamemnon revenant de la guerre de Troie ; mais Oreste, le fils qu’elle a d’Agamemnon, venge le meurtre de son père en tuant sa propre mère. C’est pourquoi il est poursuivi par les Érinnyes, protectrices démonia­ques du droit maternel, selon lequel le matricide est le plus grave, le Plus inexpiable des crimes. Mais Apollon qui, par son oracle, a incité Oreste à cet acte, et Athénê, qui est appelée comme juge, — les deux divinités qui représentent ici l’ordre nouveau, l’ordre du droit pater­nel, — le protègent ; Athénê entend les deux parties. Toute la controverse se résume briève­ment dans le débat qui met aux Prises Oreste et les Érinnyes. Oreste fait valoir que Clytemnestre a commis un double forfait : elle a tué son propre époux et, du même coup, elle a tué son père à lui. Pourquoi donc est-ce lui que les Érinnyes poursuivent, et non pas Clytemnestre qui, elle, est beaucoup plus coupable ? La réponse est concluante :

« L’homme qu’elle a tué, elle ne lui était pas unie par les liens du sang. »

Le meurtre d’un homme à qui l’on n’est pas uni par les liens du sang, et même s’il est l’époux de la meurtrière, peut être expié, il ne regarde pas les Érinnyes ; leur fonction consiste seulement à Poursuivre le meurtre entre consanguins, et, selon le droit maternel, le meurtre le plus grave et le plus inexpiable, c’est le meurtre d’une mère. Apollon prend alors la défense d’Oreste ; Athénê fait voter les Aréopagites, — les échevins athéniens ; les voix sont en nombre égal pour l’acquittement et pour la condam­nation ; en qualité de présidente, Athénê donne alors sa voix pour Oreste et l’acquitte. Le droit paternel a remporté la victoire sur le droit maternel, les « dieux de jeune souche », comme les appellent les Érinnyes elles-mêmes, l’emportent sur les Érinnyes, et celles-ci finissent par se laisser