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III

LA GENS ÏROQUOISE

Nous en venons maintenant à une autre découverte de Morgan, d’une importance au moins égale à celle de la reconstitution des formes primitives de la famille en partant des systèmes de parenté. Morgan a prouvé que les groupes de consanguins, désignés par des noms d’animaux à l’intérieur d’une tribu d’Indiens américains, sont essentiellement identiques aux genea des Grecs, aux gentes des Romains ; que la forme américaine est la forme origi­nelle, tandis que la forme gréco-romaine est la forme ultérieure, dérivée ; que toute l’organi­sation sociale des Grecs et des Romains des temps primitifs en gens, phratrie et tribu a son parallèle exact dans l’organisation sociale américano-indienne ; que la gens (autant que nos sources nous permettent jusqu’ici d’en juger) est une institution commune à tous les barbares jusqu’à leur entrée dans la civilisation, et même plus tard encore. Et cette preuve a, d’un seul coup, élucidé les parties les plus difficiles de l’histoire grecque et romaine la plus ancienne et nous a donné en même temps des éclaircissements insoupçonnés sur les traits fondamentaux du régime social des temps primitifs, — avant l’instauration de l’État. Pour si simple que paraisse la chose une fois qu’on la connaît, Morgan ne l’a pourtant découverte que récem­ment ; dans son ouvrage précédent, paru en 1871, il n’avait pas encore percé le mystère dont la révélation a depuis réduit [pour un temps] au plus complet silence les préhistoriens anglais, généralement si pleins d’assurance.

Le mot latin gens, que Morgan emploie d’une façon générale pour désigner ce groupe de consanguins, vient, tout comme le mot grec correspondant genos, de la racine aryenne commune gan (en germanique où, d’après la règle, k remplace le g aryen, kan) qui signifie engendrer. Gens, genos, en sanscrit dianas, en gothique (selon la règle précitée) kuni, en norois et en anglo-saxon kyn, en anglais kin, en moyen haut-allemand künne veulent unifor­mément dire race, lignée. Mais gens en latin, genos