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CONTES ET NOUVELLES.

parler à mon oncle de la magnificence du tombeau d’albâtre qu’il avait fait élever à madame Éloi Milbert.

Le soir, mon oncle me fit une grande avanie et me dit :

— C’est bien, jouez votre reste.

Le lendemain matin, il me fallut subir un long récit de tout ce que j’avais fait de mal depuis mon enfance, sans oublier une assiette cassée il y a dix ans, ni un pantalon déchiré il y en a douze : c’est sa manière de procéder. À chaque faute nouvelle, il me gronde à la fois de toutes celles que j’ai pu commettre dans toute ma vie ; la litanie commence invariablement par ceci : À trois ans, votre père vivait encore, vous avez volé des pommes. À la liste de tous mes crimes succéda, comme toujours, celle de tous les bienfaits de mon oncle, et alors je sentis chacune des bouchées de pain que j’ai mangées chez lui me revenir entre les dents, amère et empoisonnée.

— Tout ceci va finir, me dit-il en terminant ; vous partirez dans trois jours pour Genève. Il y a là un gros négociant qui a besoin d’un secrétaire ; vous irez chez lui.