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ROMAIN D’ÉTRETAT.

la crinière ou aux oreilles du cheval ; puis il prit un peu d’aplomb. D’abord le bruit du canon le frappa de torpeur ; s’il avait été seul, il se serait affaissé à la place où il était, sans avancer ni reculer ; mais son cheval suivait les autres, et les autres le poussaient. Puis l’odeur de la poudre et le bruit le grisèrent ; il tira son coup de mousqueton au hasard en fermant les yeux.

Il finit par s’accoutumer à tout cela, et son colonel le prit pour son domestique ; il pansait trois chevaux, cirait les bottes, astiquait le fourniment, et était exempt de service ; de plus, il ne sortait pas sans avoir la poche garnie… Outre les lauriers, il cueillait aussi des myrtes.

Dans les villes de garnison, une foule de femmes abandonnaient leurs enfants et leurs maris ; leurs maris, beaux, probes, estimés ; leurs maris, qui travaillaient durement pour leurs besoins et leurs caprices, elles les abandonnaient avec empressement pour l’amour d’un soldat médiocrement bâti, n’ayant de propre que ce qui est exposé à la vue du sergent ou du maréchal des logis, parfumé d’eau-de-vie et de mauvais tabac ; car les femmes, en général, aiment à