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CONTES ET NOUVELLES.

poisson qui marche en colonnes serrées trouve un obstacle et veut le forcer ; sa tête passe à travers les mailles, mais le ventre l’arrête ; il tente alors de reculer et se trouve pris par les ouïes. Les chiens, qui les poursuivent n’ont qu’à choisir, et ils choisissent si bien, que les pêcheurs friands ne mangent que les poissons en partie dévorés, et qu’ils appellent bougons. Quelques kiens se prennent dans les seines, et alors chaque homme de l’équipage vient à son tour prendre le captif par la queue et lui frapper la tête sur le bordage ; ensuite un pêcheur lui ouvre le ventre et en tire, avec deux ou trois petits kiens vivants, des harengs entiers et à moitié mangés.

Cependant Romain, que plusieurs pêcheurs d’Étretat ont parfaitement connu, plus audacieux et plus aventureux que ses compagnons, trouvait toujours moyen de faire bonne pêche : il lui eût été si pénible de voir Bénérice supporter la moindre privation. Plusieurs fois il s’exposa à une mort presque certaine en sortant seul, par un gros temps, parce que Bérénice désirait un bonnet neuf.

La pêche finie, dans les longues soirées d’hi-