Page:Karr - Contes et nouvelles, 1867.djvu/161

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époque les hommes de vingt ans vous paraissent si ridicules : c’est depuis que les hommes de trente ans d’aujourd’hui n’ont plus vingt ans.

Aussi n’eussions-nous jamais trouvé ridicules les projets qui se faisaient, un soir d’été, dans un petit salon ouvert sur un frais jardin, dans une rue d’Ingouville, au-dessus du Havre.

— Qu’avons-nous besoin de richesse ? disait avec feu Théodore ; qu’est-ce que l’or pourrait ajouter à notre félicité ? Qu’est-ce que la privation de ce vil métal pourrait nous ôter de bonheur ? Notre amour ne suppléera-t-il pas tout ? Nous vivrons, Anna et moi, dans une chaumière, plus heureux que sous les lambris dorés ; le pain, fruit de mon travail, sera pour elle une céleste ambroisie.

Anna répondit par un tendre regard ; Théodore lui semblait bien éloquent ; il venait de répéter tout haut ce que le cœur de la jolie fille lui avait dit tout bas plus d’une fois.

Le troisième interlocuteur se détourna pour cacher un sourire ; c’était un homme de soixante ans, d’une physionomie douce et avenante.

— Mes enfants, dit-il, je pourrais vous dire bien des choses qui ne vous serviraient qu’à