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CONTES ET NOUVELLES.

et un jardin devant la maison. Des fenêtres, la vue s’étendait au loin sur des jardins et sur des bois. Quand Rose est entrée dans la maison, elle a sauté de joie et m’a embrassé. Elle courait partout avec une joie d’enfant. Pendant une semaine, nous avons visité toutes les promenades, parcouru les belles allées des bois, couvertes de leur dôme de feuilles et tapissées de gazon et de mousse. Nous buvions du lait, nous cherchions sous l’herbe les petites perles parfumées du muguet ; nous nous mettions les mains en sang dans les buissons d’églantiers, pour avoir leur première rose d’un pourpre pâle. Le premier jour de pluie nous a désenchantés. Nous avons regretté les théâtres et le café Anglais. Depuis ce temps, nous avons passé des journées maussades, qui ont mis quelque aigreur entre Rose et moi. Les femmes n’ont qu’un culte ; c’est ce qui leur plaît. Ce qui leur plaît est sacré ; elles lui sacrifient tout avec le plus touchant héroïsme. Rose ne comprend pas qu’il n’y a pas moyen pour moi de vivre à Paris. Je n’ose pas lui dire que, depuis deux ans, c’est pour elle que j’ai dépensé un peu plus de deux cent mille francs, qui com-