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CONTES ET NOUVELLES.

— Ma chère enfant, il faut que je vous parle sérieusement. Si nous nous étions trouvés réunis par un de ces amours qui sont toute la vie, qui mettent ceux qui les éprouvent à l’abri de tout malheur, qui ne les séparent pas, je vous dirais : Chère Rose, je suis ruiné ; j’ai perdu mon procès ; je n’ai plus de ressources. Je ne veux pas être le parasite de ceux qui ont été les miens quand j’avais de l’argent. Je ne me sens pas le courage de redevenir clerc dans une étude, ni de passer pauvre, honteux, mal vêtu, devant mes émules de folies et de dépenses, qui n’en sont pas encore où j’en suis. De ma fortune, il me reste une petite bicoque en Normandie, une sorte de chaumière, composée de quatre chambres et entourées de pommiers. C’est ce que vous m’avez quelquefois entendu appeler en riant mon château de Roberchon. Je vais vendre les meubles qui garnissent encore cet appartement autrefois si somptueux. J’ai une petite valeur à escompter. Je partirai avec mille francs ; avec mille francs, on vit presqu’un an là-bas. Pendant cette année, je trouverai bien moyen de gagner mille autres francs. Nous vivrons seuls, loin du monde, loin