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POÈMES ET POÉSIES

Telle est, à peu près, la seule expérience personnelle qu’il ait pu faire de l’humanité ; car si les articles injurieux, que lui décochèrent les critiques patentés, l’émurent un instant, il avait heureusement, quoi qu’ait dit Byron [1], trop de lucidité et de clairvoyance, malgré sa jeunesse, pour ne pas se rendre compte des défectuosités que pouvaient contenir les œuvres incriminées, défectuosités qu’il a confessées lui-même, à plusieurs reprises avec la plus entière bonne foi.

Il vécut donc exclusivement une vie d’artiste écartant résolument de sa pensée tout ce qui pouvait en amoindrir la souplesse, contaminer l’innocence des organes récepteurs et disséminer sou énergie cérébrale. Ainsi il s’exaspérait contre les savants, les philosophes et les historiens :

... Tous les charmes no sont-ils pas rompus
Au simple contact de la froide philosophie ?
Il y avait un arc-en-ciel que nous vénérions autrefois ;
Nous connaissons sa trame, sa contexture ; elle est donnée
Platement dans le catalogue des choses communes.
Le philosophe rognera les ailes de l’ange,
Conquerra les mystères à l’aide de règles et de lignes.
Videra l’atmosphère hanté, la mine qu’habitent les gnomes [2]...

Hors d’ici ! histoire pompeuse ! hors ! fourberie dorée !
Sombre planète dans l’univers des faits !

  1. A Byron. Sonnet. Page 50. Quelles que fussent leurs divergences, il savait, lui, apprécier Byron.
  2. Lamia. Page 318.