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Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/208

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En dépit du découragement, de l'inhumaine disette
De nobles créatures, des jours tristes,
De toutes les routes pestilentielles et enténébrées
S’ouvrant à nos recherches : oui, en dépit de tout,
Une forme quelconque de beauté rejette le crêpe
Loin de nos esprits assombris. Tels le soleil, la lune,
Les arbres vieux et jeunes, qui prodiguent leur ombre bienfaisante
Pour une simple brebis ; tels les narcisses
Dans leur séjour verdoyant ; et les clairs ruisseaux
Que défendent les buissons rafraîchissants
Contre la saison chaude ; la fougère au cœur de la forêt,
Richement tachetée comme de belles roses mousses :
Telle aussi la grandeur des jugements
Que nous avons portés sur nos morts illustres ;
Tous les contes délicieux que nous avons lus ou entendus :
Fontaine inépuisable nous dispensant un immortel
Breuvage dont la source est au ciel.

Et nous n’éprouvons pas simplement ces sensations
Pour une heure rapide ; non, de même que les arbres
Bruissant autour d’un temple deviennent bientôt
Aussi vénérés que le temple lui-même, de même fait la lune,
La passion pour la poésie, gloires infinies, qui
Nous hantent jusqu’à ce qu’elles deviennent une lueur consolatrice