Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

302 POÈMES ET POÉSIES

Privée d’immortalité et de félicité !
Tu es un savant, Lycius, et dois savoir
Que les esprits supérieurs ne peuvent respirer ici-bas
Dans l’atmosphère humaine et y vivre. Hélas ! pauvre enfant,
Quel parfum d’air plus pur as-tu pour charmer
Mon essence ? Quels palais plus superbes
Dans lesquels tous mes nombreux sens puissent se plaire,
Et par de mystérieux sortilèges assouvir mes insatiables soifs ?
Cela ne peut être. Adieu. » Ceci dit, elle se cambra
Sur la pointe des pieds, ses bras blancs déployés. Lui, frémissant de perdre
L’amoureuse promesse de sa solitaire lamentation,
Défaillait, balbutiant des mots passionnés, pâle, angoissé.
La cruelle, sans montrer aucune
Tristesse pour la douleur de son tendre favori,
Mais plutôt, si ses yeux pouvaient briller davantage.
Avec des yeux plus brillants et une exquise lenteur,
Joignit ses lèvres aux siennes et lui rendit
La vie qu’elle avait enserrée dans ses mailles ;
Et comme il s’éveillait d’une extase pour entrer
Dans une autre, elle commença à chanter,
Heureuse en beauté, en vie, en amour, en toutes choses.
Une Cantilène d’amour trop suave pour les lis terrestres,
Tandis que, tel un souffle retenu, les étoiles éteignirent leurs feux scintillants.