Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/365

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Quoiqu'il fût presque assourdi en mainte retraite verdoyante.
Il écoutait ; il pleurait, et ses larmes scintillaient
En tombant goutte à goutte sur l’arc doré qu’il tenait.
Ainsi ses yeux à moitié clos étaient obscurcis par les pleurs,
Lorsque, de dessous une branche rugueuse lui barrant le chemin,
Sortit d’un pas solennel une altière Déesse.
Dans le coup d’œil qu’elle lui jeta, il y avait une intention
Qu’avec une prompte divination il commença à discerner,
Perplexe ; immédiatement il lui dit d’une voix mélodieuse :
« Comment as-tu traversé l’infranchissable mer ?
Cet antique aspect et cette robe qui t’enveloppe
Ont-ils parcouru ces vallées, invisibles jusqu'à cette heure ?
Sûrement, j’ai entendu ces vêtements froisser
Les feuilles tombées, lorsque je m’asseyais solitaire
Au cœur de la fraîche forêt. Sûrement j’ai suivi
Le bruissement de cette simple jupe au milieu
De ces prairies désertes, et j’ai vu les fleurs
Lever leurs têtes, comme tu les frôlais en passant.
Déesse ! J’ai déjà contemplé tes yeux.
Et leur calme éternel, et tous tes traits,
Ou j’ai rêvé ». — « Oui, répondit la forme souveraine,
Tu as rêvé de moi ; en t’éveillant
Tu as trouvé une lyre tout en or à ton côté.