Page:Keepsake français, 1830.djvu/335

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« Oh ! si vous saviez bien comment aime une femme,
Vous n’hésiteriez plus ; pour vous je prierais Dieu
Comme ici je vous prie, et Dieu qui voit mon ame
Aurait pitié de vous à l’heure de l’adieu,
Ainsi qu’il aura vu que vous aviez vous-même
Pitié de moi, vieillard… Ma demande est suprême,
Car vous êtes entr’elle et Dieu.

« Un moment, rien qu’un seul, oh, dans un cimetière,
Qu’est-ce donc qu’un moment ?… Ici l’éternité
Se devine et commence, ici la vie entière
N’est qu’un rêve, qu’un mot, dans l’espace jeté :
Ce que j’attends de vous, qui le saura ?… La tombe
A-t-elle jamais dit, qu’elle s’élève ou tombe,
A nul de nous la vérité ? »

Elle parlait ainsi, la pauvre jeune fille,
Et du gardien des morts embrassait les genoux.
Le vieillard, essuyant une larme qui brille
Dans son œil creux et sec, dit : « Tu fais donc de nous
Ce que tu veux, jeunesse… Oh ! si rouvrir la tombe
Qui fut par toi fermée, est péché, qu’il retombe,
Jeune fille, en entier sur vous !

« A ce prix j’y consens, et lorsque la nuit close
Cachera les vivants et les morts à la fois,
Tu pourras revenir ! Je ne veux autre chose
Pour salaire ce soir, que la petite croix
Suspendue à ton cou : sur elle ma prière
Ira plus vite à Dieu, si mon heure dernière
Est plus proche que je ne crois. »