Page:Keepsake français, 1831.djvu/315

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D’autres fantômes sur le seuil.
Ah ! leur sévère contenance,
Leurs fronts ridés, leur froid silence,
Me disent trop que, dès ce jour,
Il faut, du temps et de la vie
Usant avec économie,
Entrer en compte avec l’amour ;
Et chassant la vague espérance,
Les vœux, les rêves séducteurs,
Dont je berçais mon indolence,
Ne plus attendre les faveurs,
Le doux sourire d’indulgence,
Qu’un heureux reste d’indolence
Assure encor à nos erreurs.
Se peut-il bien ? Quoi ! sur ma tête
Déjà six lustres ont roulé !
J’en doute encore ; et tout troublé,
Mon cœur en vain se le répète !
Comme un lilas, cher au printemps,
Qui sur une eau, que rien n’arrête,
Voit, secoués par la tempête,
Ses bouquets fuir avant leur temps,
Le front penché sur l’onde pure
Où se reflétait sa beauté,
Semble, poussant un sourd murmure,
Demander compte à la nature
De sa précoce nudité :
Tel, dans leur fuite vagabonde,
Des ans passés je suis le cours,
Et de mon cœur sentant toujours