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Page:Kellec - A Lesbos, 1891.djvu/180

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À LESBOS

Pourquoi ce monstre l’avait-il faite mère ?

Mère, sans enfant !

Femme, sans époux !

Malgré sa désespérance, elle n’accusait jamais ses parents.

Elle allait insouciante par les rues, étalant, aux yeux des passants, sa noire misère et sa pâleur d’anémiée.

Son regard seul avait conservé un vif éclat.

Malgré son abaissement, on percevait les rayons lumineux d’une intelligence qui sommeillait près d’un cœur capable de bien.

Quoique flétrie par le mal, quoique courbée par l’adversité, Laurence ne pouvait cacher ses seize ans.

Les vieux coureurs d’aventures galantes et salariées aiment à butiner ces fleurs à peine écloses.

Souvent, le soir, elle était suivie, sollicitée, par ces chercheurs baveux et brèche-dent, à tête dénudée.

Elle fuyait !

L’homme l’effrayait !

L’honnêteté est pour beaucoup un objet de taxe, impossible à conserver.

Pendant les jours de chômage, on porte tout chez le bric-à-brac.