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Page:Kellec - A Lesbos, 1891.djvu/258

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À LESBOS

— Tu me le demandes ! Ne le devines-tu pas ?

— Après vingt ans de séparation, le langage muet est peu compréhensible entre nous. Expliquez-vous franchement.

Il la regardait.

— Ce deuil ? questionna-t-il.

— Je n’ai plus de mère !

— Ma femme ! elle est morte sans m’appeler, sans me pardonner ?

— Elle n’a même pas prononcé votre nom.

Il se tordait les mains.

— Tu ne m’as pas prévenu.

— J’ai des amis, mon père ; depuis longtemps je n’ai plus de famille !

Il se voila la figure de ses longs doigts osseux.

— Le châtiment, murmura-t-il bien bas.

Il se dressa sur son séant, avec plus de force qu’on ne pouvait prévoir chez ce mourant.

— Andrée, Dieu, par la voix de son ministre, vient de m’absoudre ; seras-tu plus sévère que lui ? Me laisseras-tu partir sans un mot de pardon ? Veux-tu rendre terribles mes derniers instants ?

Oh ! ce lendemain de la mort !

— Depuis quand êtes-vous malade ? interrogea Andrée.

— Depuis plusieurs mois.