Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/151

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si l’on n’en sentait pas le germe en soi-même. Aussi voyez comme Dieu le foudroie : et d’abord cette ironie qui glace l’âme d’un effroi surnaturel : Voilà qu’Adam est devenu comme l’un de nous[1] ; Adam jeté nu, avec son péché, sur une terre maudite ! Adam qui venait d’entendre cette parole : Tu mourras de mort ! [2] Ses enfants imitent son crime, leur orgueil s’élève sans mesure. Alors l’Esprit divin : Comment es-tu tombé, toi qui te levais comme l’astre du matin, qui disais en ton cœur : Je monterai dans les cieux, je poserai mon trône au-dessus des étoiles et je serai semblable au Très-Haut. Voilà que tu seras traîné aux enfers, dans la profondeur du lac : on se baissera pour te voir[3]. Lisez, dans l’Évangile, les effroyables malédictions prononcées contre les Pharisiens superbes, tandis que celui qui s’abaisse est à l’instant justifié. Une femme pleure aux pieds de Jésus, elle s’humilie de ses fautes, elle n’ose presque en solliciter le pardon, son silence seul supplie. Le Sauveur ému la console : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé[4]. Mais l’orgueil n’aime point ; c’est encore là un de ses caractères, et comme le type infernal. Il est le père de la haine, de l’envie, de la violence, de la fausse sécurité et de l’endurcissement. Sorti de l’abîme, il s’y replonge : le reste est le mystère de l’éternelle justice. O Dieu, ayez pitié de votre pauvre créature ! Le front dans la poussière, je m’anéantis devant vous. Je sens, je confesse ma misère, ma corruption profonde, ma désolante impuissance et tout ce qui à jamais me séparerait de vous, si votre grande miséricorde ne venait à mon secours par le don gratuit de la grâce. Daignez, daignez la répandre en mon âme. Ne m’abandonnez pas, Seigneur ; sauvez-moi, ou je vais périr[5]. O Dieu, ayez pitié de votre pauvre créature !


CHAPITRE IX.

QU’IL FAUT RAPPORTER TOUT A DIEU COMME A NOTRE DERNIÈRE FIN.

1. Mon fils, je dois être votre fin suprême et dernière, si véritablement vous désirez être heureux.

Cette vue purifiera vos affections qui s’abaissent trop souvent jusqu’à vous et aux créatures.

  1. Gen. iii, 22.
  2. Gen. ii, 17.
  3. Is. xiv, 12-16.
  4. Luc. vii, 47.
  5. Matth. viii, 25.