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Page:Ker - Cyril aux doigts-rouges ou le Prince Russe et l'Enfant Tartare, 1917.djvu/13

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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

— « Que le grand Prince des Russes jure d’être bon envers ma mère et de ne pas me faire esclave », répondit l’enfant promptement, « et je jurerai de vous être fidèle ainsi qu’à lui ».

— « Je jure sur mon arme », dit Vladimir en levant sur sa hache sa vigoureuse main, « que ta mère et toi n’aurez rien à craindre de moi ». L’enfant devait être satisfait car jamais un Russe n’avait brisé un pareil serment. Le petit Tartare leva ses minces doigts sur la main musculaire du Prince et dit :

— « Je jure sur la tête de notre cheval de guerre Khan (le serment le plus sacré des Tartares) de vous être fidèle ainsi qu’au chef chrétien, dans la vie comme dans la mort »[1].

Vladimir lui donna une claque amicale sur l’épaule, puis fit signe à deux de ses guerriers qui, à la hâte, firent de leurs lances et de leurs boucliers une grossière civière sur laquelle ils emportèrent la femme malade, pendant que son fils, à côté d’elle, lui tenait tendrement sa main maigre et fiévreuse.

— « Mon fils », chuchota Sylvestre au Prince, tout en suivant, « rappelle-toi un autre vœu que tu as formulé ? »

— « Oui, mon père », répondit Vladimir. « J’ai fait vœu de devenir chrétien si je gagnais cette bataille ; vous verrez sous peu, que je ne l’oublierai pas ».



CHAPITRE III.
La Grande Idole de Kief

Le lendemain de la bataille toute la ville de Kief (alors capitale de la Russie) était pleine d’animation pour assister au retour triomphant du Prince Vladimir et de ses hommes amenant avec eux les prisonniers et le butin. Les enfants, les femmes, les vieillards sortant de leurs habitations — cabanes de pieux grossiers enduits de boue et couverts d’herbes sèches — regardaient les captifs qui, de leur côté, observaient les Russes de leurs yeux profonds et à demi-intimidés.

  1. Un traité entre le prédécesseur de Vladimir, Sviatoslav, et l’empereur grec (duquel traité une copie existe encore) établit expressément que les Russes ont « juré sur leurs armes de l’observer fidèlement. »