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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

tatifs démontraient en lui un esprit que Vladimir lui-même avait appris longuement à révérer et à obéir. L’un à côté de l’autre, ils représentaient, le premier la barbarie du moment, le second la civilisation future — le guerrier par sa vigueur corporelle, le sage par sa vigueur intellectuelle.

Simple et impulsif comme un enfant, malgré tous ses terribles renoms, le grand Russe entrevit la défaite prochaine des prêtres sauvages, et un large rire, contrastant étrangement avec les visages épouvantables des soldats usés par la guerre, illumina sa face courageuse.

— « Enfants », s’écria-t-il à la foule impatiente qu’il dépassait d’une demi-tête, « écoutez-moi bien, car j’ai d’importantes choses à vous communiquer ! Vous avez entendu parler, sans doute, de cette nouvelle religion appelée Christianisme que les hommes du sud ont apprise ? Or, ce sage homme de Tsargrad (Constantinople) m’a beaucoup parlé d’elle et je crois qu’une religion qui fait des hommes sages, forts et bons, qui enseigne toujours quelque chose de meilleur, doit être une religion très utile à connaître. Aussi avais-je fait serment de devenir chrétien si je gagnais cette bataille ; or, comme les Tartares ont été vaincus, je suis prêt à me convertir ».

Un tremblement de terre les eut engloutis tous qu’ils auraient été moins stupéfaits. Il y eut un moment de silence étonné, brisé soudain par un furieux cri et un être hideux, les bras levés sauvagement, bondit vers le Prince. C’était Yarko, le grand prêtre du Dieu de la Foudre.

— « Fils de Sviatoslav », cria-t-il d’une voix formidable, « prends garde à ce que tu vas faire ! Veux-tu abandonner les Dieux de tes ancêtres pour celui de la Grèce menteuse qui tua ton père et les plus braves de ses guerriers et amena la honte et le chagrin sur toute la Russie ? »

Un cri de rage s’éleva de la foule à l’allusion piquante de la défaite de Sviatoslav et de son armée, quelques années auparavant, par les Bulgares conduits par Jean Zimiscès. Les paroles de Yarko faillirent plonger dans une fureur complète les fiers soldats de Vladimir qui portaient encore les cicatrices de cette bataille fatale.

L’artificieux prêtre vit son avantage et continua :

— « Nous avons imploré Peroon en ta faveur et tu es victorieux. Et maintenant tu ne veux pas immoler les prisonniers qui lui sont dûs ? Sois sage, ô Prince, laisse les Grecs et leur faux Dieu de côté et reviens à Peroon, le chef des Dieux, que tes pères ont toujours adoré. Répands devant lui le sang de ces loups tartares, et remercie-le pour la victoire qu’il t’a donnée. Car si tu ne le fais pas « (et ici les paroles de Yarko devinrent âpres et menaçantes comme le sifflement d’un serpent mou-