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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

Le prêtre resta perplexe ; le chêne que Sylvestre montrait avait été endommagé quelques années plus tôt alors que le nom de christianisme n’avait pas encore pénétré en Russie. Yarko restait silencieux et confus, pendant que les Russes, variables et impressionnables comme des enfants, commençaient à grommeler ouvertement sur sa défaite.

— « Tu dis », continua Sylvestre, « que c’est Peroon qui rendit le Prince victorieux des Tartares ; mais le Prince avait fait serment avant la bataille de se convertir s’il la gagnait. Peroon ne savait-il pas cela ? Et s’il le savait pourquoi lui a-t-il laissé emporter la victoire ? »

De nouveau Yarko se tint silencieux, grinçant des dents dans une rage embarrassée, tandis qu’un rire distinct courut parmi les spectateurs.

— « Dites ce que vous voulez, camarades », cria une voix, « ce Grec est un sage homme ».

— « Oui, il l’est, il m’a guéri de ma blessure alors que tout le monde croyait à ma mort ».

— « Et il nous a montré la façon de construire des murs solides et de faire des bâteaux qui sont de loin meilleurs que les nôtres ».

Yarko vit de nouveau que le courant était contre lui et il tenta un suprême effort.

— « Si votre Dieu est plus fort que le nôtre », cria-t-il impérieusement, « comment cela se fait-il que, en guerre, vous soyez toujours battus ? »

Le prêtre rusé croyait blesser Sylvestre par cette allusion à la défaite et la mort de Sviatoslav pendant l’invasion de l’empire grec, allusion qui, faite devant de tels auditeurs, coûterait probablement la vie au moine. Mais celui-ci n’était pas à surprendre si aisément.

— « Quelques-unes de nos guerres ont été injustes », répondit-il. « Comment se pourrait-il que Celui que nous appelons « le Juste et le Saint » les favorisât ? Parfois nous avons combattu parce que nous étions orgueilleux de notre force, et notre Livre Saint dit que « Dieu s’oppose à l’orgueil ». Mais répondez-moi ; la Russie a possédé un roi puissant, sage et brave qui adorait Peroon et lui fit de riches offrandes. Comment mourut-il ? Ce roi alla combattre bien loin et périt avec toute son armée. Si Peroon est vraiment reconnaissant à ses amis et assez puissant pour les protéger, pourquoi ne sauva-t-il pas le Prince Sviatoslav ? »

Yarko, pris dans son propre piège, resta hébété, ce pendant qu’un cri d’approbation monta de la foule, faisant voir que les paroles de Sylvestre avaient produit de l’effet.

Le hardi moine ne leur donna pas le temps de se calmer. Vite, il