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Page:Ker - Cyril aux doigts-rouges ou le Prince Russe et l'Enfant Tartare, 1917.djvu/35

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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

— « Hurrah ! » répondirent-ils, en entourant le moine ; « vous verrez, père, que nos face ? ne se tremperont pas dans la boue » ( c’est à dire nous ne serons pas déshonorés).

Avec ce cri la terreur et la confusion s’enfuirent comme un rêve. Le courage naturel et l’immense foi en Sylvestre, relevèrent les esprits des Russes aussi vite que le désastre supposé de Vladimir les avait déprimés. Personne ne doutait que le prince ne fût vivant et victorieux et qu’il reviendrait promptement. Cela suffisait pour eux que le « grand chrétien enchanté » le leur affirmait, car tout ce que le moine dit, doit être vrai.

Tout fut en activité. Le vieux Sviatagor donna ses ordres froidement et clairement et ils furent tout de suite observés. De lourdes pierres furent entassées le long du parapet des murailles, et les meilleurs archers postés dans les tourelles, d’où leurs flèches seraient lancées plus facilement et plus mortellement. De forts détachements de lanciers stationnèrent à plusieurs endroits où une attaque était à prévoir, pendant qu’une forte troupe de soldats d’élite était rangée vis-à-vis du palais sous le commandement de Féodor, qui avait ordre de l’amener aux lieux où le son du cor se ferait entendre.

Quand tout fut prêt, Sviatagor et Sylvestre montèrent au sommet de la plus haute tour pour surveiller les mouvements de l’ennemi, et Cyril vint se placer à côté d’eux, car le jeune homme était, grâce à sa puissante vue, indispensable à ce moment.

En attendant, les Tartares étaient arrivés assez près pour qu’on les vit distinctement, et c’était un étrange spectacle : de longs trains de chariots trainés par des bœufs aux longues cornes, étaient convoyés par des cavaliers innombrables montés sur des chevaux hauts sur pattes ; à leurs côtés pendaient des carquois et des arcs, et ces hommes tenaient droit en l’air, de longues et minces lances brillantes ; ils étaient vêtus de peaux de chèvres et des petits yeux rusés étaient enfouis dans des têtes longues et plates. Ils ressemblaient en tous points aux Tartares venus des profondeurs des déserts orientaux et qui ravagèrent l’Europe, cinq cents ans auparavant, conduits par leur terrible roi, Etzel, mieux connu des historiens sous le nom d’ « Attila, roi des Huns ».

— « Ce sont des Petcheneygans », dit Cyril après les avoir regardés attentivement. « Mon père en tua énormément lorsqu’il les combattait. Ah ! voyez là ! »

Le jeune homme montra un grand soldat perché sur un haut cheval noir sortant justement du nuage de poussière. Il était vêtu des mêmes vêtements grossiers que les autres, mais il était coiffé d’un casque grec de laiton poli (sans doute le trophée de quelque bataille) qui rutilait sous les rayons du soleil.

(À Suivre.)