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UNE AVENTURE TÉMÉRAIRE

L’enfant, évidemment le cœur fendu de se voir railler alors qu’il avait tant de peine, regarda la sentinelle d’une mine renfrognée, et s’en alla lentement vers le camp.

— « Vous n’avez pas vu un cheval ? » demanda-t-il à un autre homme qu’il rencontra sur son chemin.

— « Non, je n’ai pas vu de cheval, » répondit l’autre, « mais j’avais rencontré un âne, et quelle merveille, je le revois ! »

Aussi loin que le pauvre enfant alla, ce furent des railleries et des moqueries impitoyables. On lui demanda combien de pattes son cheval possédait ; d’autres s’enquérirent si c’était un cheval vivant ou mort, et un dernier enfin, particulièrement railleur, dit d’un air sérieux ;

— « Oui, je me rappelle, j’ai vu un cheval avant-hier, mais il était si délicat que je l’ai mangé. J’ai conservé un morceau de sa crinière, si vous voulez en goûter ? »

Mais ces moqueurs auraient été moins joyeux, s’ils avaient entendu ce que disaient au même moment, un petit groupe d’hommes, observant du haut des murailles de Kief le camp ennemi.

— Il a passé la première sentinelle. Bravo, Cyril ! »

— « Voyez, il s’arrête pour parler à un second Tartare. C’est un audacieux compagnon, vraiment ! »

— « Regardez, il est près du camp à cette heure ! »

— « Il y entre et il passe inaperçu. »

— « Où est-il maintenant ? Je ne puis plus le voir. »

Où, en effet ? Parmi cette grande armée la petite forme de l’enfant héroïque s’était perdue comme une goutte de pluie dans la mer.

En vain le groupe anxieux regarda le plus possible, les hommes observèrent jusqu’à la tombée de la nuit. Cyril ne fut plus visible et personne n’aurait pu dire s’il avait réussi ou échoué dans la périlleuse aventure où il ne s’agissait non pas seulement de la vie de l’enfant tartare, mais de la vie de tous les habitants de Kief.


CHAPITRE XI

La Main de Fer de Sylvestre


Mais les Russes devaient bientôt penser à d’autres choses. Les chaleurs terribles de l’été commençaient pour tout de bon et multipliaient