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M. Ingres ; rien ne le blesse, parce que rien n’arrive jusqu’à lui. M. Ingres souffre et boude, retiré sous sa tente ; il refuse de combattre, et ne veut plus s’exposer aux coups d’une critique dont il a peur et qu’il ne se sent pas la force d’écraser.

La prudence est une chose fort louable et fort juste, mais je lui préfère mille fois le courage audacieux, la passion fougueuse, que rien n’arrête et n’intimide.

M. Ingres est un versificateur, Delacroix est un poëte ; l’un a du talent, l’autre a du génie.

Ces deux artistes éminents se partagent le domaine de la peinture. Ceux-ci tiennent pour Delacroix, ceux-là pont M. Ingres. Nous sommes divisés en Guelfes et Gibelins, en Piccinistes et en Gluckistes ; l’armée d’Ingres est plus nombreuse, les soldats de Delacroix sont plus robustes.

La critique a développé d’innombrables théories sur la nécessité, pour un peintre, de se conformer au goût du public. C’est tout simplement conseiller l’impossible. Quel est-il donc, le goût du public ? Où son tribunal siège-t-il ? Est-ce que chacun ne préfère pas son sentiment particulier aux caprices de la foule ? Où est seulement le public ?