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Mon Dieu ! ce tribunal est si peu reconnu que personne ne consent à en faire partie.

À son jugement capricieux et mobile, chacun préfère son opinion personnelle, son sentiment particulier. Écoutez ceux qui parlent autour de vous, parmi les spectateurs de l’exposition ; l’un dira :

— Je ne comprends pas que le public aime cela !

L’autre s’écriera :

— Voilà qui est bon pour amuser la foule !

Un troisième ajoutera :

— Que peut-on trouver à cela d’intéressant ? Que les gens sont badauds, mon Dieu !

Mais qui parle ainsi ? Sont-ce les artistes, les poëtes, les critiques ? Non ; ce sont des avocats, des banquiers, des militaires, des médecins, des commerçants, des artisans, des employés.

Mais alors où donc est-il, le public, puisque personne ne daigne consentir à en faire partie ?

Dans quel embarras se plongerait un artiste d’une foi douteuse, d’un caractère faible mais consciencieux, s’il s’attachait à recueillir avec soumission les discordantes opinions de ce public auquel cependant il a consacré son talent, son génie !