Page:Kindt - Impressions d une femme au salon de 1859.djvu/83

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les hommes de Millet travaillent, donc ils pensent ; — c’est ce que l’on n’a pas assez compris. Se mouvoir, c’est accomplir un acte organique, instinctif, à la portée de tout être vivant ; travailler c’est le propre de l’homme fait à l’image de Dieu, ce travailleur éternel !

L’homme qui travaille s’unit à Dieu et prie par conséquent. Le travail est la plus sainte et la plus féconde des prières. Voilà pourquoi les tableaux de Millet nous causent une si vive, une si profonde impression, une impression si grandement religieuse. Ces tableaux sont des prières, mais les prières les plus touchantes et les plus communicatives, les prières des hommes simples qui ont le front courbé vers la terre et qui prient en semant le blé, en moissonnant, en glanant, qui prient, en un mot, par le travail, en faisant dans leur cœur la part de Dieu.

Cette prière-là, on a beau dire ; on a beau faire, cette prière des cœurs simples, cette foi robuste du charbonnier et du laboureur sera toujours plus touchante que celle de l’enthousiaste, du savant, du poëte, qui vont trouver Dieu par la pensée pour s’unir à lui. Cet homme inoccupé qui prie en extase rêve aussi, et la rêverie a ses dangers ; de la réverie au doute il n’y a pas bien