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L'AME DES SAISONS


Je n’en ai point taillé la vigne.
Je n’en ai point chassé les vers.
J’ai laissé le limon souiller ses bassins clairs.
Les ondes sont jaunâtres et les cygnes
Morts de faim.

Seigneur, voyez ce que j’ai fait du beau jardin !

Un jour j’ai frissonné devant mon œuvre. Alors,
Livide et lâche en face de l’effort,
Je me croisai les bras et je devins statue.

La bourrasque a cassé mainte branche et meurtri
Les dahlias couchés sur les ronces. La nue
Glace les fleurs et les pourrit de bruine. Les fruits
S’écrasent lourdement dans la fange visqueuse
Où guêpes et limaçons en rongent les débris.
Les vers piquent le bulbe pur des tubéreuses,
Et, le matin, à l’heure où le brouillard se liquéfie,
Des toiles d’araignée en réseaux vaporeux
Palpitent sous le ciel frileux.

Or, la statue est immobile, cependant
Qu’un suprême jet d’eau dans sa vasque flétrie