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LE VENT ET LES FEUILLES MORTES


Et notre orgueil subtil reste court d’arguties
Devant les mots confus qu’elle nous balbutie.
Heureux le sage qui, dans un calme profond,
Ecoute le silence en se voilant le front !
 
La nuit doit être bien avancée, — et je veille !
Je dormirais, n’était ce tintement d’oreilles...
Mais non, ce sont les cris des oiseaux, dans le vent...
O ces oiseaux lointains !... J’y ai pensé souvent.
Ils vivent dans le Nord, par delà la Hollande,
En un pays de brume et presque de légende
Où des saules légers tremblent le long de l’eau...
Ils vivent à travers des blancheurs de halo...
Parfois, de l’eau qui dort en des vapeurs de rêve,
Leur bec jaune, d’un geste allègre et sec, enlève
Une anguille au museau cauteleux et méchant,
Un gardon dont le ventre est écaillé d’argent,
Une tanche olivâtre aux visqueuses nageoires...
Le soir, ils vont dormir sous les racines noires.
Ils vivent tout l’été dans ce décor frileux,
Parmi les nénuphars blancs et les iris bleus.
Mais tous les ans ils nous reviennent à l’automne,
Avec un gargouillis de flûtes monotones
Gouttant de leurs becs plats qui mâchent le brouillard...
Ils dardent, on ne sait vers où, leur vol hagard.