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LA NEIGE ET LES LAMPES

Vers les limpides eaux, mon front, mon triste front,
Vers les eaux de cristal glacial et profond !
Vers les très claires, les très froides qui murmurent
Sur un lit de cresson, baptismalement pures !...
 
Songe que le chevesne et l’omble d’argent bleu,
Que la perche épineuse aux nageoires de feu,
Que des poissons sans nombre en nuages de flèches
Y filent, en faisant pétiller des flammèches ;
Que souvent un saumon, à peine remuant,
Lingot d’airain et d’or dans le cristal fluant,
Lustre sa robe, au pur soleil épanouie,
En ouvrant et fermant lentement ses ouïes ;
Que çà et là, soudain, dans un brouillard vermeil,
Dans un ruissellement de gouttes de soleil,
Sur le miroir cassé des eaux qui rejaillissent,
Les truites arc-en-ciel superbement bondissent...

Songe aussi que l’on voit apparaître parfois
Une hermine fluette, au fin museau sournois,
Qui trotte au bord des eaux et prudemment y pose
D’abord la patte, et puis un bout de langue rose...

Mais songe que, surtout, tout le peuple canard,
Tous les vagues oiseaux vaguant dans le brouillard,