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L'AME DES SAISONS


Ensuite, ayant bourré mon vaste calumet
D’un brun petun, au goût brésilien, je fumais
Voluptueusement en clignant les paupières.
Un cocotier squameux tamisait la lumière.
L'oiseau de paradis poussait des cris de paon.
Une bête fluette étranglait un serpent.
D’énormes papillons et des mouches sonores
Froissaient d’un va-et-vient vibrant les passiflores.
Et lentement mes cils, rapprochés un peu plus,
Voilaient de leur brouillard clignotant et confus
L’azur resplendissant et les frondaisons calmes
D’où fusaient en tremblant des couronnes de palmes,
Jusqu’à ce qu’à la fin, comme un songe vermeil,
Tout le pays flottât, noyé dans le soleil,
Parmi d’ardents roucoulements de tourterelles,
Des rouets ronronnants de guêpes, des crécelles
D’oiseaux-mouches, d’aras, de perroquets divers,
Et le balancement sonore de la mer...

Oui, j’ai vécu jadis dans une île océane !
J’ai moissonné le riz et cueilli la banane,
Parmi le sucre en feu des tropicales fleurs !
Et maintenant encore, en des soirs de langueur
Où la vie un peu trop soucieuse m’oppresse,
Je rêve, — et c’est peut-être un rêve de sagesse, —