Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/143

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vaney qui me le déclara. Tous trois s’insurgèrent contre leur vertu forcée, mais la tentative ne réussit qu’en ce qui concernait Ortheris. Celui-ci, dont les talents étaient nombreux, s’en alla par les grands chemins et vola un chien à un « civil »… autrement dit quelqu’un, il ignorait qui, n’appartenant pas à l’armée. Or ce quelqu’un était tout récemment devenu le parent par alliance du colonel du régiment, et des protestations s’élevèrent des côtés où Ortheris s’y attendait le moins, si bien que finalement ce dernier se vit forcé, crainte de pis, de se défaire à un prix dérisoirement peu rémunérateur du petit fox le plus plein d’espérances qui ait jamais agrémenté le bout d’une laisse. L’argent de la vente lui suffit tout juste à se payer une petite bordée qui le mena à la salle de police. Il s’en tira néanmoins à bon compte avec une sévère réprimande et quelques heures de peloton de punition. Ce n’était pas pour rien qu’il avait acquis la réputation d’être « le meilleur soldat de sa taille » dans tout le régiment. Mulvaney avait inculqué à ses compagnons, comme premiers articles de leur credo, la propreté et la bonne condition physiques. « Un homme sale, disait-il, dans le langage de ses pareils, va au clou pour une faiblesse dans les genoux, et passe en conseil de guerre pour une paire de chaussettes qui lui manque ; mais un homme propre, qui fait honneur à son arme… un homme dont les boutons sont d’or, dont la tunique se moule sur lui comme cire, et dont le fourniment est sans tache… cet homme-là peut, en raison soit dit, faire ce qu’il veut et boire