Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/163

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votre sale tête, et je vous tords le gésier en tire-bouchon. Vous verrez ça.

L’ambassade se retira, mais ce soir-là Dearsley le battu riait tout seul à son souper.

Trois jours passèrent… puis un quatrième et un cinquième. La semaine tirait sur sa fin et Mulvaney ne revenait toujours pas. Lui, son royal palanquin et ses six serviteurs s’étaient évanouis dans l’air. Un soldat très corpulent et très ivre, dont les pieds dépassent de la litière d’une princesse régnante, n’est pas chose capable de voyager sur les routes sans soulever de commentaires. Malgré cela, dans tout le pays d’alentour, nul n’avait vu merveille de ce genre. Il était comme s’il n’était pas ; et Learoyd proposa la démolition immédiate de Dearsley en guise de sacrifice à ses mânes. Ortheris affirmait que tout allait bien…

— Quand Mulvaney prend la route, dit-il, il y a des chances qu’il fasse un long parcours, en particulier quand il est aussi « noir » que cette fois-ci. Mais ce qui me dépasse, c’est qu’on n’ait pas entendu parler de quelqu’un tirant les cheveux à ses négros quelque part par là. Ça n’a pas bon air. Il doit être dessaoulé depuis le temps, à moins qu’il n’ait fait sauter la banque, et alors… Pourquoi ne revient-il pas ? Il n’aurait pas dû partir sans nous.

Au bout du septième jour Ortheris lui-même perdit courage ; car la moitié du régiment était dehors à explorer le pays, et Learoyd avait été contraint de se battre avec deux hommes qui soutenaient ouvertement que Mulvaney avait déserté. Pour rendre