Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/169

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Il alluma une pipe, reprit ses deux amis dans son étreinte, et fut secoué par une crise de fou rire.

— Mulvaney, lui dit Ortheris avec sévérité, ce n’est pas le moment de rire. Tu nous as donné à Jock et à moi plus d’ennui que tu ne vaux. Tu as été en absence illégale et pour cela tu vas aller à la boîte ; et de plus tu es revenu habillé d’une façon dégoûtante et fort peu convenable avec la doublure de ce sacré palanquin. Il n’y a pas là de quoi rire. Et nous autres, nous pensions tout le temps que tu étais mort.

— Les gars, dit le coupable, encore un peu secoué, quand j’aurai fini mon histoire, tu pourras pleurer si tu veux, et notre petit Ortheris pourra me crever la paillasse en me trépignant. Finissez donc et écoutez. Mes exploits ont été stupéfiants ; ma chance a été la chance bienheureuse de l’armée britannique… et ce n’est pas peu dire. Je suis parti ivrogne et m’ivrognant dans le palanquin, et je suis revenu dieu rose. Est-ce que l’un de vous est allé trouver Dearsley une fois ma permission expirée ? C’est lui qui a été cause de tout.

— Je le disais bien, murmura Learoyd. Demain j’irai lui casser le portrait.

— Tu n’iras pas. Dearsley est un bijou d’homme. Quand Ortheris m’eut mis dans le palanquin et tandis que mes six porteurs ahanaient le long de la route, il me prit l’envie d’aller faire la nique à Dearsley pour ce combat. Je leur commandai donc : « Allez au talus », et là, comme j’étais fantastiquement plein, je passai ma tête par la fenêtre et