Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

matériel, à seule fin de me faire dépasser ma permission et que j’aille en prison.

L’explication était éminemment rationnelle. Bénarès était au moins à dix heures de train de la garnison, et rien au monde n’eût pu sauver Mulvaney d’être arrêté comme déserteur s’il s’y fût montré dans l’appareil de ses orgies. Dearsley n’avait pas oublié de tirer vengeance de lui. Learoyd, après s’être un peu reculé, se mit à envoyer de légers coups de poing sur des parties choisies du corps de Mulvaney. Il avait l’esprit là-bas sur le talus, et ces coups ne présageaient rien de bon pour Dearsley. Mulvaney continua :

— Quand je fus tout à fait réveillé le palanquin était déposé dans une rue, à ce que je soupçonnai, car j’entendais des gens passer et causer. Mais je savais bien que j’étais loin de chez moi. Il y a dans notre garnison une drôle d’odeur… une odeur de terre sèche et de four à briques avec des bouffées de litière de cavalerie. Cet endroit-là au contraire sentait les fleurs de souci et la mauvaise eau, et une fois quelque chose de vivant vint renifler fortement avec son museau à une fente du volet. « Ça y est, que je me dis, je suis dans un village, et le buffle communal est en train d’examiner le palanquin. » Mais en tout cas je n’avais pas envie de bouger. Quand on est en des lieux étrangers il n’y a qu’à rester tranquille et la chance bien connue de l’armée britannique vous fera passer au travers. C’est un axiome. Et il est de moi.

« Puis un tas de diables chuchoteurs entourèrent