Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/194

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hommes. Je suis tout juste bon à enseigner aux nouvelles classes ce que je n’apprendrai jamais moi-même ; et je suis sûr comme si je l’entendis, que dans la même minute où un de ces bleus aux yeux de gorets vient de m’entendre lui dire : « Et maintenant prends garde » ou « Fais attention à ça, Jim mon garçon », je suis sûr que le sergent me représente à lui comme un exemple à ne pas suivre. Ce qui fait que j’enseigne comme on dit à l’école de tir, par feu direct et par ricochet. Que le Seigneur ait pitié de moi ! car j’ai supporté du malheur.

Je me voyais incapable de le réconforter ou de le conseiller.

— Couchez-vous et dormez, lui dis-je. Vous êtes le meilleur homme du régiment, et après Ortheris, le plus grand fou. Couchez-vous, en attendant que nous soyons attaqués. Quelle arme vont-ils mettre en œuvre ? De l’artillerie, pensez-vous ?

— Réservez ça pour vos messieurs et dames, de changer et détourner la conversation, bien que vous le fassiez dans une bonne intention. Vous ne pouviez rien dire pour me soulager ; et pourtant vous n’avez jamais su quel motif j’avais d’être ce que je suis.

— Commencez par le commencement et continuez jusqu’à la fin, dis-je avec générosité. Mais attisez d’abord un peu le feu.

Et en guise de tisonnier je lui passai la baïonnette d’Ortheris.

— Cela montre à quel point vous vous y connaissez peu, me dit Mulvaney, en remettant l’arme