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Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/215

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pire aussi longtemps qu’il y aura un souffle de vie dans ton corps. Et puisses-tu mourir bientôt sur une terre étrangère en voyant venir la mort sans pouvoir t’en défendre, incapable de remuer ni main ni pied !

« J’entendis qu’on se débattait dans la pièce derrière moi, et puis la main de Dinah Shadd vint se poser dans la mienne comme une feuille de rose sur une route boueuse.

« — De tout cela je prends la moitié, qu’elle dit, et plus même si je le peux. Rentrez chez vous, femme qui racontez des bêtises ; rentrez chez vous, et allez à confesse.

« — Viens donc ! viens donc ! que dit Judy, en tirant sa mère par son châle. Ce n’est pas la faute de Térence. Pour l’amour de la Vierge, cesse de parler !

« — Ah ! toi aussi ! dit la vieille maman Sheehy en pirouettant vers Dinah. Tu veux prendre la moitié du fardeau de cet homme ? Gare-toi de lui, Dinah Shadd, avant qu’il ne t’entraîne aussi vers le bas… toi qui envisages d’être la femme d’un sergent-major d’ici cinq ans. Tu vises trop haut, mon enfant. Tu feras la lessive pour le sergent-major, quand il voudra bien te donner cet emploi par charité ; mais tu resteras jusqu’au bout la femme d’un simple soldat et tu connaîtras toutes les peines d’une femme de simple soldat, et ton unique joie sera celle qui sortira de toi comme le flot d’un rocher. Tu connaîtras les douleurs de l’enfantement, mais tu n’auras pas le plaisir de donner le sein ; et tu enterreras dans