Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/61

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quement Tallantire, et je vais le faire. Mais c’est dur.

— Le travail dépend de nous, et son résultat d’Allah…, comme disait Orde quand il avait été échaudé plus qu’à l’ordinaire.

Et Bullows monta à cheval et s’éloigna.

De voir deux gentlemen du Service Civil de Sa Majesté au Bengale en discuter ainsi un troisième, également de ce service, et de plus homme cultivé et affable, cela vous paraît sans doute singulier et attristant. Mais écoutez par ailleurs le jargon sans artifice du mullah aveugle de Jagai, le prêtre des Khusru Kheyl, assis sur un roc dominant la frontière. Cinq ans plus tôt, un obus tiré au hasard par une batterie de canons rayés avait projeté de la terre à la figure du mullah, en train de mener une charge de Ghazis contre une demi-douzaine de baïonnettes britanniques. C’est ainsi qu’il était devenu aveugle, et il n’en haïssait pas moins les Anglais pour ce petit accident. Yardley-Orde savait sa déchéance, et l’en avait maintes fois raillé.

— Chiens que vous êtes ! disait le mullah aveugle aux gens de la tribu qui l’écoutaient réunis autour du feu. Chiens fouettés ! Parce que vous obéissiez à Orde sahib, l’appeliez votre père et vous conduisiez comme ses enfants, le gouvernement britannique vous montre quel cas il fait de vous. Orde sahib, vous le savez, est mort.

— Aïe ! aïe ! aïe ! firent une demi-douzaine de voix.

— C’était un homme, lui. Et maintenant, pour