Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/67

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du sang. Mais à quoi bon parler à quelqu’un qui ne pèse désormais plus rien dans les conseils de sa tribu ?

Khoda Dad Khan empocha cette injure. Ayant appris ce qu’il voulait savoir, il regagna ses montagnes où il fut accueilli par les compliments sarcastiques du mullah, dont la langue, s’exerçant autour des feux de campement, était une flamme plus dangereuse que jamais bouse de vache n’en alimenta.


IV


Veuillez considérer ici un instant le district inconnu de Kot-Kumharsen. Il s’étale coupé en deux par l’Indus sous la chaîne des monts Khusru — remparts de terre stérile et d’éboulis. Il a cent kilomètres de long sur soixante-quinze de large, nourrit une population d’un peu moins de deux cent mille âmes, et paie des impôts annuels qui se montent à quarante mille livres pour une superficie dont un peu plus de la moitié n’est qu’un désert inculte et irrémédiable. Les cultivateurs ne sont pas des gens doux, les mineurs de sel moins encore, et les éleveurs de bétail sont les moins doux de tous. Un poste de police à l’angle supérieur droit et un petit fortin de terre à l’angle supérieur gauche empêchent la proportion de contrebande de sel et d’enlèvement de bétail que l’influence des civils ne peut supprimer ; et à l’angle inférieur droit se trouve Jumala, le chef-lieu du district — une pitoyable poignée de masures