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NABOTH




VOICI comment cela se passa ; et cette histoire véridique est aussi une allégorie d’empire.

Je le rencontrai au coin de mon jardin, une corbeille vide sur la tête, et un linge malpropre autour des reins. C’étaient là tous les biens sur lesquels Naboth pouvait avoir l’ombre d’un droit quand je le vis tout d’abord. Il ouvrit nos relations en me demandant l’aumône. Il était très maigre et montrait quasi autant de côtes que sa corbeille ; et il me raconta une longue histoire de fièvre et de procès, et de marmite de cuivre qui avait été saisie en exécution d’une sentence du tribunal. Je mis la main à ma poche pour secourir Naboth, comme des rois de l’Orient ont secouru des aventuriers étrangers qui leur ont fait perdre leurs royaumes. Une roupie s’était cachée dans la doublure de mon veston. Je ne la savais pas là, et donnai ma trouvaille à Naboth comme un don direct du ciel. Il me répondit que j’étais le seul légitime protecteur du pauvre qu’il eût jamais connu.

Le lendemain il reparut, un peu plus rond de la ceinture, et se roula à mes pieds dans la véranda de