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contes choisis

pour regarder ; et, comme ce n’est point un amusement bon marché pour les jeunes gens que de regarder les jeux d’adresse, je suggérai que Charlie ferait mieux de retourner chez sa mère.

Ce fut notre premier pas vers plus ample connaissance. Il venait me voir quelquefois, les soirs, au lieu de courir Londres avec les autres commis, ses camarades ; et il ne tarda pas, à la manière des jeunes hommes, à me parler de lui-même et à me raconter ses aspirations qui étaient toutes littéraires. Il désirait se faire un nom impérissable, principalement en poésie, bien qu’il ne dédaignât pas d’envoyer des histoires d’amour et de mort à des journaux de distributeurs automatiques. Mon destin voulut que j’écoutasse, immobile, tandis que Charlie me lisait des poèmes de plusieurs centaines de vers et de volumineux fragments de pièces appelées sûrement un jour à remuer le monde. En retour j’avais sa confiance sans réserves, et les aveux comme les inquiétudes d’un jeune homme sont presque aussi sacrés que ceux