Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/16

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Nous l’appelons hydrophobie, mais eux l’appellent dewanee — la folie — et ils courent.

— Entre alors, et cherche, dit Père Loup avec raideur ; mais il n’y a rien à manger ici.

— Pour un loup, non, certes, dit Tabaqui ; mais pour moi, mince personnage, un os sec est un festin. Que sommes-nous, nous autres Gidur log (le peuple chacal), pour faire la petite bouche ?

Il obliqua vers le fond de la caverne, y trouva un os de chevreuil où restait quelque viande, s’assit et en fit craquer le bout avec délices.

— Merci pour ce bon repas ! dit-il en se léchant les babines. Qu’ils sont beaux, les nobles enfants ! Quels grands yeux ! Et si jeunes, pourtant ! Je devrais me rappeler, en effet, que les enfants des rois sont maîtres dès le berceau.

Or, Tabaqui le savait aussi bien que personne, il n’est rien de plus fâcheux que de louer des enfants à leur nez ; il prit plaisir à voir que Mère et Père Loup semblaient gênés.

Tabaqui resta un moment au repos, sur son séant, tout réjoui du mal qu’il venait de faire ; puis il reprit malignement :

— Shere Khan, le Grand, a changé de terrain de chasse. Il va chasser, à la prochaine lune, m’a-t-il dit, sur ces collines-ci.

Shere Khan était le tigre qui habitait près de la rivière, la Waingunga, à vingt milles plus loin.

— Il n’en a pas le droit, commença Père Loup avec colère. De par la Loi de la Jungle, il n’a pas le droit de changer