Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/258

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— Des choses ! fit-il. D’affreuses et horribles choses, Billy ! C’est entré dans nos lignes tandis que nous dormions. Pensez-vous que ça va nous tuer ?

— J’ai grande envie de t’allonger un coup de pied numéro un, dit Billy. A-t-on idée d’un mulet de quatre pieds six pouces, avec ton éducation, qui déshonore la Batterie devant ce gentleman ?

— Doucement, doucement ! dit le cheval de troupe. Souvenez-vous qu’on est toujours comme cela pour commencer. La première fois que j’ai vu un homme (c’était en Australie et j’avais trois ans), j’ai couru une demi-journée, et si ç’avait été un chameau, je courrais encore.

Presque tous nos chevaux de cavalerie anglaise dans l’Inde sont importés d’Australie, et sont dressés par les soldats eux-mêmes.

— C’est vrai, après tout, reprit Billy. Assez tremblé comme cela, jeunesse. La première fois qu’on me plaça sur le dos le harnais complet avec toutes ses chaînes, je me dressai sur mes jambes de devant, et à force de ruades jetai tout à terre. Je n’avais pas encore acquis la véritable science de ruer, mais ceux de la batterie disaient n’avoir jamais rien vu de tel.

— Mais ce n’était ni harnais ni rien qui tintât, dit le jeune mulet. Vous savez, Billy, que maintenant cela ne me fait rien. C’étaient des choses grandes comme des arbres, et elles tombaient du haut en bas des lignes et gargouillaient ; ma bride s’est cassée et je ne pouvais pas trouver mon conducteur. Je ne pouvais même pas vous trouver, Billy ; alors je me suis sauvé avec — avec ces gentlemen.